Relations toxiques : le rôle de la victime dans le mécanisme d’emprise

Il est bien difficile d’imaginer qu’elle rôle peut avoir la victime dans la relation toxique.

Une victime est forcément victime, non ?!

C’est vrai, mais il est indispensable de comprendre la distinction entre Victime et victime.

Découvrons les rôles de ce jeu de pouvoir et comment il se met en place.

Le jeu de pouvoir dans la relation toxique

Dans ce « jeu » de pouvoir, il y a trois acteurs : le Persécuteur, le Sauveur et la Victime.
Notez ici l’importance des majuscules, car cela représente des rôles et non des personnes à proprement parler.

Cette figure d’Analyse Transactionnelle proposée par Stephen Karpman (1968) s’appelle le triangle dramatique.

Le rôle de la victime dans la manipulation
Le triangle dramatique de Stephen Karpman

Pas besoin d’être trois pour jouer à ce « jeu » : une seule personne peut endosser plusieurs rôles à la fois.
De même, les rôles ne sont pas fixes : ils peuvent changer au sein d’une même relation.

Par exemple, un manipulateur pervers, bourreau de la relation toxique, pourra revêtir le rôle du Persécuteur et du Sauveur en même temps.
Ou encore celui de Persécuteur et Victime. La victime du manipulateur pervers essayera alors de sauver le manipulateur, de l’aider, et prendra ainsi sa place dans le triangle dramatique, en tant que Sauveur.

Nous voyons bien ici que la victime n’est pas forcément la Victime (elle ne tient pas forcément ce rôle-là, au sein de la relation toxique).

Ce triangle crée une dépendance entre chacun des acteurs.

Les acteurs du triangle dramatique

Le Persécuteur

Le Persécuteur est souvent une ancienne victime ou un sauveur déchu qui donne des leçons pour se faire respecter.

Il justifie ses violences par son passé (enfance difficile par exemple). Il se nourrit de la souffrance de l’autre pour cacher la sienne et ses propres peurs.

Il domine, critique, harcèle, contrôle, persécute, dévalorise sa victime, par des pulsions d’agressivité.

Le persécuteur_triangle dramatique dans la relation toxique
Le persécuteur libère ses pulsions agressives

Il n’est jamais clair dans ses propos, il entretient volontairement le flou pour limiter toutes actions de la part de la victime ou des autres.

Il accuse et n’est jamais responsable, ce sont les autres les fautifs.

Comme nous l’avons vu, le bourreau, principalement Persécuteur, peut aussi revêtir le rôle de Sauveur, se présentant alors comme bienveillant, protecteur et attentionné afin que la victime tombe dans le piège d’une fausse écoute.

Le Sauveur

Le triangle dramatique : rôle du Sauveur
« T’inquiète, je m’en charge ! »

Le Sauveur endosse son costume de super-héro même quand on ne lui a rien demandé.

Il infantilise ainsi la victime pour la rendre dépendante et ainsi la contrôler.

« Je vais régler ça pour toi. »
« Laisse moi faire, je m’en occupe. »
« J’ai fait ça pour toi. »

Il veut être utile et cherche à se rendre indispensable en trouvant les solutions à la place de la victime.

Ce rôle est narcissiquement gratifiant pour lui. Cela lui donne une bonne image.

La Victime

Et nous voilà au troisième acteur, la Victime.

La Victime subit, se sent faible et incapable.

Elle se lamente, et s’apitoie sur son sort.

ATTENTION : nous parlons bien de la « Victime », le rôle, et non de la victime au sein de la relation : celle qui est piégée par le manipulateur et bourreau.

La Victime se comporte comme si elle n’avait pas les ressources pour agir.

La victime_relation toxique et triangle dramatique
La victime souffre, se sent faible et impuissante

Son bénéfice est d’attirer l’apitoiement, en attirant l’attention du Sauveur qui veut la sauver et du Persécuteur qui veut la persécuter.

« Il n’y a pas de maître sans esclave. »

Hegel

Sa souffrance est réelle mais pourtant, elle retire un bénéfice personnel à rester dans le triangle dramatique : attirer l’attention sur elle.

Comprendre les rôles dans la relation toxique

Pour mieux comprendre les rôles dans la relation toxique, voici quelques extraits de conversations qui pourront vous éclairer.

Extrait entre un mari (bourreau) et sa femme (victime) :

Le mari (se positionne en Persécuteur) : « C’est quoi ces fringues dégueulasses ?! Je t’interdis de sortir comme ça avec moi !. »

La femme (se positionne en Victime) : « Je ne suis jamais assez bien habillée pour toi. »

Le mari (se positionne en Sauveur) : « Je vais choisir la tenue idéale pour toi, je sais ce qui te va le mieux. »

La femme (se positionne en Victime) : « Je sais bien que rien ne me va, je suis moche de toute façon. »

Le triangle dramatique : rôle de la victime dans la relation toxique
Comprendre le triangle dramatique pour sortir de son « rôle »
Extrait entre une mère (bourreau) et sa fille (victime) :

La mère (se positionne en Persécuteur) :  » Tu ne penses qu’à toi, c’est de ta faute si je me retrouve seule ce weekend. »

La fille (se positionne en Sauveur) : « Ne t’inquiète pas ma petite maman, on vient te voir le weekend prochain. Tu sais, je suis là pour toi, je ne te laisserais jamais tomber. »

La mère (se positionne en Victime) : « Je passe toujours après de toute façon. Je sais bien que je ne suis pas ta priorité mais je le mérite, je suis méchante avec toi. »

Ces extraits de conversations illustres bien les rôles Persécuteur – Sauveur – Victime et permet de distinguer la différence entre la victime et le rôle de Victime.

Comment la victime peut sortir de la relation toxique ?

Pour sortir de la relation toxique, il est important de comprendre comment le triangle dramatique enferme la victime.

La victime doit accepter son impuissance à agir sur le bourreau. Elle ne peut pas le sauver, elle ne peut pas le changer, mais elle peut décider de changer la situation, de prendre les rênes de sa vie.

Elle doit petit à petit chercher elle-même des solutions, se responsabiliser et ne pas hésiter à demander de l’aide extérieure, explicitement.

Attention ! Aider n’est pas sauver !

Les professionnels (thérapeutes, médecins,…) ou l’entourage doivent faire attention à ne pas prendre le rôle du Sauveur, ce qui maintiendrait la victime dans son rôle de Victime.

C’est à cette dernière de trouver des solutions, de retrouver son autonomie. Ses proches ne sont là que pour la soutenir, l’encourager, l’écouter, lui laisser sa liberté de choix…

Si la victime est trop isolée de part le travail d’emprise du bourreau, elle peut faire appel à l’aide d’un sophrologue ou d’un thérapeute.

Ne restez pas seul(e). Vous méritez le bonheur, la liberté, la dignité.

Prenez soin de vous.